Science

LHCP 2020, un nouveau type de conférence

 

C’est à nouveau le bon moment, mais cette année tout est très différent. Chaque année se déroule entre fin mars et mi-août une série de rencontres importantes en physique des hautes énergies : les conférences !

Moriond, LHCP, ICHEP rythment notre travail de recherche en déclenchant la finalisation de nos analyses et mesures, ainsi que la publication de nos résultats. A cette période nous faisons nos valises d’universitaires et parcourons le monde vers le lieu choisi, où nous rencontrons en personne les collègues que nous ne voyons souvent que via Skype ou Vidyo et passons des jours à présenter, questionner, débattre des techniques et erreurs systématiques, à boire de trop nombreux mauvais cafés dans de larges couloirs tout en discutant, à explorer de nouvelles villes, planifier l’avenir, imaginer de nouvelles recherches, parfois de nouveaux emplois et nouvelles vies.

Sachant que nous faisons tout cela quand nous sommes autorisés à voyager, 2020 s’est révélée très différente. Avec la pandémie globale COVID-19 et la fermeture de nombreux pays, la communauté mondiale des physiciens a dû revoir la question des conférences. Tout au début de la pandémie, quand personne ne savait combien de temps le confinement allait durer et quelles restrictions allaient être mises en place sur déplacements et réunions, certains organisateurs ont opté pour la sécurité et annulé les conférences. Les rencontres de Moriond, organisées à la Thuile en Italie, sont habituellement la première occasion importante de l’année de voir de nouveaux résultats : elles ont été purement et simplement annulées. Même chose pour Higgs Hunting, à Paris, qui a été repoussée à juillet 2021.

D’autres organisateurs ont au contraire décidé de relever le gant et essayé d’organiser des conférences totalement virtuelles. L’exemple le plus récent est LHCP2020, qui aurait dû se tenir à Paris fin mai, et s’est retrouvée finalement … sur Zoom !

Les frais d’inscription furent annulés, et la conférence ouverte à tous ceux qui voulaient s’inscrire. Toutes les sessions plénières et parallèles se sont tenues en vidéoconférence, avec des espaces virtuels en lieu et place des couloirs et salles de repas. Les intervenants ayant été priés de créer leurs salles de discussions, ils pouvaient être joints pendant une durée fixée après leur présentation pour les discussions trop détaillées pour avoir leur place dans les habituelles sessions de question et réponse plénières, replaçant ainsi les pauses et rencontres informelles si cruciales dans les conférences.

ATLAS a présenté plusieurs nouveaux résultats à LHCP2020, résumés sur le site web de la collaboration (http://atlas.cern//updates/atlas-ne…).

Outre la participation, il y a bien des façons de contribuer à une conférence : de leur salon, balcon, jardin, plusieurs membres du groupe ATLAS LAPP ont pris part au processus de revue et d’approbation interne des résultats, en particulier ceux qui concernent le secteur du Higgs.

 

Une des physiciennes du groupe, Lucia di Ciaccio, a présidé une des sessions plénières virtuelles sur la physique électrofaible.

In fine, cette première expérimentation d’une conférence virtuelle de physique des hautes énergies a-t-elle fonctionné ? Le format a certainement été apprécié : le nombre d’inscrits à LHCP2020 était le double du nombre de personnes attendues à Paris. Les collègues ayant des budgets de déplacement réduits, ou des obligations familiales et universitaires qui les auraient empêchés de se déplacer pour une semaine complète ont apprécié la possibilité de suivre au moins une sélection de présentations et discussions. Cet aspect s’est avéré important pour beaucoup, car il est parfois difficile de consacrer une semaine entière à une conférence, mais presque tous sont susceptibles de trouver le temps de se connecter à quelques sessions.

En revanche, beaucoup se sont plaint du manque de rencontres dans une conférence virtuelle. Nous vivons dans une époque d’internet rapide, de serveurs de publication rapides, et d’une routine de séminaires en ligne sur le web : les conférences ne sont plus strictement nécessaires pour disséminer nos résultats et elles sont, en ce sens, un héritage du passé. Mais le réseau humain, l’art ancien d’établir des contacts informels avec des collègues, d’inventer et planifier de nouvelles collaborations, d’échanger et de nourrir les idées qui sommeillent dans nos cerveaux jusqu’à ce que nous tentions de les décrire à des amis devant un verre de vin dans une ville lointaine, est perdu dans une conférence virtuelle.

La pandémie de 2020 changera-t-elle notre façon d’organiser les conférences et le mode d’échange des résultats scientifiques ? Beaucoup plaident pour un modèle mixte : nous aurons besoin de nous rencontrer, mais améliorer les possibilités de se connecter à distance aidera grandement ceux qui ne peuvent pas voyager ou n’ont pas le financement nécessaire. Entre temps, nous consoliderons l’expérience de LHCP2020 : la prochaine rencontre virtuelle sera ICHEP 2020, qui aurait dû avoir lieu à Prague fin juillet, et se déroulera en fait sur nos écrans, à la maison.