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La médaille de Cristal du CNRS remise à Fatih Bellachia, expert en ingénierie logicielle au LAPP

Ce lundi 14 novembre, Fatih Bellachia a reçu la médaille de Cristal du CNRS Cette médaille distingue des femmes et des hommes, personnels d’appui à la recherche, qui par leur créativité, leur maîtrise technique et leur sens de l’innovation, contribuent aux côtés des chercheurs et des chercheuses à l’avancée des savoirs et à l’excellence de la recherche française.

Une implication sans faille dans les projets ambitieux du LAPP

Fatih Bellachia est expert en ingénierie logicielle au LAPP et chef de projet pour l’expérience ATLAS du Large Hadron Collider (LHC), le grand collisionneur du CERN à Genève.

Fatih Fatih Bellachia ©Sophie Lieunard / LAPP

Fatih Bellachia a intégré le laboratoire en 1992 en qualité d’assistant ingénieur, au sein de l’équipe de support aux expériences dans le domaine des systèmes d’acquisition de données dit « online » du service informatique. Son excellence lui a permis de progresser en grade pendant sa carrière en passant ingénieur d’étude puis ingénieur de recherche.

Diplômé en informatique industrielle, il est expert des systèmes d’acquisition de données au sein des deux plus importantes équipes de projets internationaux du LAPP, et est considéré comme le référent technique de l’équipe « ingénierie logicielle ». Ses remarquables compétences et connaissances ont permis l’émergence d’innovations toujours au service des projets et activités du laboratoire. Après avoir contribué, durant dix ans, à l’expérience Virgo de détection des ondes gravitationnelles, puis, durant dix-huit ans, à la mise en œuvre du calorimètre à argon liquide du détecteur Atlas, qui mena à la découverte du boson de Higgs en 2012, il se consacre désormais à un système d’acquisition qui permettra de collecter 15 fois plus de données, lors de la mise en fonctionnement de la nouvelle version du LHC en 2029.

De la détection des Ondes Gravitationnelles avec VIRGO à la découverte du Boson de Higgs

Fatih Bellachia a d’abord, lors de ses premières années au LAPP, été chargé de concevoir, de réaliser et de déployer les premiers systèmes d’acquisition de données et de synchronisation des signaux de l’interféromètre VIRGO, à deux bras de trois kilomètres, situé en Italie. Pour cela il a eu en charge les logiciels nécessaires à la mise en œuvre, au fonctionnement et aux tests des cartes électroniques conçues au LAPP.

Vue aérienne de Virgo © Virgo Collaboration N. Baldocchi

En 2003, il change de thématique scientifique en 2003 pour rejoindre le monde de l’exploration en physique des particules sur le futur détecteur ATLAS au sein du grand collisionneur de particules LHC du CERN, un des projets principaux du laboratoire. Son expertise technique des couches les plus basses des systèmes informatiques lui ouvre les portes de la collaboration internationale LArgOnline. Dans ce contexte, il s’attèle là aussi à la conception, la réalisation puis la mise en service d’un nouveau système d’acquisition d’une performance (2 petaoctets/an de données) et d’une complexité (plus de 180000 canaux de lecture) toujours inégalées. Ce système est au cœur du fonctionnement du calorimètre à argon liquide (LAr) d’ATLAS : il permet le tri des évènements physiques mesurés, en temps réel et à haute fréquence (1 kHz).

Pour mener à bien ce projet, Fatih Bellachia s’appuie d’ores et déjà sur une veille technologique conséquente en informatique, qu’il mène en sus de ces activités professionnelles. Il propose alors des architectures logicielles qui permettent de repousser les limites généralement admises des langages qu’il met en œuvre, mais toujours au bénéfice du projet. Après de nombreuses missions sur site, le fruit de son travail est officiellement mis en service dès 2008. Il sera couronné en 2012 par la découverte du boson de Higgs, rendue possible notamment grâce à la grande fiabilité et haute disponibilité des systèmes sous la responsabilité de Fatih Bellachia. Ceux-ci auront en effet permis d’accumuler suffisamment de données dans le temps imparti, en particulier dans le canal de désintégration en deux photons, pour permettre de valider sans équivoque la théorie émise en 1964 expliquant la masse de toute particule.

Fatih Bellachia supervise et régit alors les développements d’une vingtaine de contributeurs internationaux pour la collaboration. En 2013, il endosse donc officiellement la fonction de chef de projet LArgOnline, et encadre deux ingénieurs à temps plein au LAPP.

Le calorimètre électromagnétique d’Atlas © LAPP/CERN

Vers la prochaine évolution pour ATLAS : l’upgrade Phase-1 pour le Run-3.

En 2027, le CERN mettra en fonctionnement une nouvelle version de son grand collisionneur, le HL-LHC. ATLAS devra alors traiter 15 fois plus de données, remettant en question la quasi-totalité de son système d’acquisition. Fatih Bellachia endosse dès 2013 une responsabilité supplémentaire, transverse à plusieurs collaborations du CERN : la réalisation d’un élément clef de tout système ATCA, l’IPMC. Il a mis au point le projet open-source ICARE, qui vise à concevoir et à réaliser là encore le micro-logiciel assurant le démarrage, la gestion et la supervision de chaque carte d’un châssis ATCA. C’est un travail colossal d’analyse puis d’implémentation de la norme internationale IPMI (plus de 1500 pages de spécifications techniques) dans un environnement embarqué et enfoui entièrement nouveau, extrêmement contraignant et difficile à maitriser : chaque interaction met en jeux de nombreux composants tierces, et la reproductibilité des conditions de tests est alors quasiment impossible. Les cartes IPMC ainsi que le code associé, ont été développés avec succès et sont actuellement en cours d’installation et de mise en production afin d’être prêts pour le démarrage de la prochaine campagne de mesures dite « Run-3 » du CERN LHC courant 2021. Au cours des années, Fatih Bellachia est devenu l’expert technique officiel de ces technologies cruciales dans la collaboration.

Depuis un an, Fatih Bellachia s’ouvre encore à de nouveaux horizons techniques au sein de la R&D transverse THINK de l’IN2P3. Il explore l’enfouissement de l’intelligence artificielle et des réseaux de neurones au plus profond des détecteurs, en étudiant de nouveaux types de processeurs apparaissant actuellement : les puces neuromorphiques. Ces technologies seront par exemple indispensables pour atteindre les performances exceptionnelles requises pour la faisabilité des futurs collisionneurs de particules à venir dans la seconde moitié du 21ème siècle, comme le projet FCC d’accélérateur de 100 km au CERN.

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Photo de couverture : © Alexandre Gelin / CNRS. Au centre : Fatih Bellachia. A gauche : Laurent Vacavant (DAS Particules et hadronique IN2P3). A droite : Giovanni Lamanna (directeur du LAPP)