Loic-rene Labit – Soutenance de thèse – 16 nov. 2021
Etude des oscillations de neutrinos à très courtes distances dans le détecteur STEREO à l'ILL, et calibration de celui-ci.
Le groupe neutrino du LAPP propose un travail de thèse expérimental en physique des neutrinos et plus spécifiquement sur l’étude des oscillations de neutrinos à très courtes distances dans le détecteur STEREO. La découverte des oscillations de neutrinos est l’un des événements majeurs des dernières décennies en physique des particules (prix Nobel 2015), car elle démontre que les neutrinos ont une masse non nulle. Ce fait, qui a été intégré dans le Modèle Standard, reste néanmoins inexpliqué. Depuis, un vaste programme expérimental de caractérisation de ces oscillations est en cours. Historiquement, l’oscillation de neutrinos a été suggérée pour expliquer les déficits de neutrinos par rapport aux attentes observés par plusieurs expériences, aussi bien pour les neutrinos du soleil (expérience de Homestake dans les 1970s, confirmé par SNO en 2002) que pour les neutrinos atmosphériques (SuperKamiokande, 1998). Récemment, des expériences dont l’élément actif est le gallium (SAGE, GALLEX) rapportent des déficits inattendus de neutrinos dans leurs données de calibration. Des déficits de neutrinos apparaissent aussi dans les expériences auprès de réacteurs nucléaires quand on compare les mesures avec les calculs les plus récents des flux de neutrinos prévus. Le parallèle avec les expériences historiques menant à la découverte des oscillations est évident : les neutrinos issus des sources de calibration des expériences du gallium ou des réacteurs nucléaires seraient en train d’osciller vers un quatrième neutrino.
Celui-ci passerait inaperçu dans nos expériences car il interagirait très peu avec la matière ordinaire (d’où le qualificatif de « stérile » accolé à ce nouveau type de neutrino). Les parcours des neutrinos étant assez courts dans les deux anomalies, la longueur d’oscillation serait de quelques mètres aux énergies de ces expériences. Ensemble, les deux anomalies pourraient être expliquées par un 4ème neutrino (voir par exemple G. Mention et al., arXiv:1101.2755, Phys. Rev. D 83, 073006 (2011)). Plusieurs expériences, dont STEREO, sont en cours pour étudier ces anomalies. L’expérience STEREO, installée à moins de 10 m du coeur du réacteur nucléaire de l’Institut Laue-Langevin à Grenoble, est en cours de prise de données et devrait continuer jusqu’en 2019. Contrairement aux constatations précédentes, qui ne sont basées que sur des mesures de flux, l’idée dans STEREO est de mesurer avec précision le spectre en énergie des antineutrinos issus du coeur, et d’essayer d’y déceler la déformation induite par l’oscillation en un 4ème neutrino et son évolution avec la distance au réacteur. Une signature bien particulière est attendue s’il y a bien une oscillation. La petite taille du coeur (diamètre < 40 cm), la courte distance L parcourue par les neutrinos (8 à 12 m) et la bonne résolution en énergie de l’expérience permettront de confirmer ou de réfuter l’implication d’un neutrino stérile dans les anomalies.
Le LAPP est responsable du système de calibration par sources radioactives, essentiel pour une bonne connaissance de l’échelle en énergie, et plus généralement, pour la maîtrise de la réponse du détecteur. Le travail de thèse abordera deux activités de recherche. La première est la calibration, dont le LAPP est un acteur majeur. Ce travail comprend la prise de données pendant les runs de physique et les runs dédiés à la calibration, l’extraction des coefficients de calibration et leur monitoring dans le temps, ainsi que le développement d’améliorations et corrections dans les simulations et le software de reconstruction des données neutrino, et en particulier dans l’estimation de l’énergie des neutrinos. Le deuxième volet de recherche concernera l’analyse des données neutrino pour déterminer la présence ou non d’oscillations vers un éventuel neutrino stérile. A part les critères de sélection, que l’étudiant peut être emmené à optimiser, le doctorant devra étudier et caractériser les bruits de fond et le signal, avant de mettre en place et de tester les algorithmes statistiques et les modèles permettant d’extraire la fréquence d’oscillation et l’angle de mélange d’une éventuelle oscillation.