Science

Advanced Virgo : s’adapter à la diffusion du virus

ALMA au Chili, VERITAS aux Etats-Unis, l’observatoire Pierre-Auger en Argentine… Comme tant d’autres, ces trois grandes infrastructures de recherche dédiées aux observations astronomiques ont dû fermer leurs portes suite aux mesures liées à la propagation du Covid-19. Le détecteur d’ondes gravitationnelles Virgo n’a pas échappé à la règle : celui-ci est désormais à l’arrêt. Physicien au LAPP, Raeffele Flaminio a suivi de près la diffusion du virus et son impact sur le fonctionnement du détecteur : il nous en fait le récit .

« Nous avons vu la vague monter… » Ce sont les mots employés par Raffaele Flaminio le 20 mars dernier pour qualifier la propagation du virus et son incidence sur le planning prévisionnel de l’upgrade de Virgo dont il est le responsable. « L’ amélioration du détecteur en sa version Advanced Virgo + nécessite de produire beaucoup de pièces. Or, dès la première semaine de mars, on a vu les effets du confinement chez les Italiens : les laboratoires de Pise et de Pérouse ont été fermés. J’ai tenté de faire fabriquer les pièces aux Pays-Bas : l’atelier du laboratoire NIKHEF à Amsterdam a clos ses portes la semaine dernière. Vendredi 13, après l’annonce d’Emmanuel Macron, j’ai compris que les délais ne seraient pas tenus ». Le physicien informe alors la collaboration Virgo qu’Advanced Virgo + ne sera pas prêt en mai. Entretemps Virgo continue à prendre des données avec les américains de LIGO . Aux États-Unis la situation se dégrade très rapidement elle-aussi la semaine suivante.

Comment s’adapter ? Les collaborateurs de Ligo-Virgo échangent régulièrement par visioconférence afin de se concerter. « Le plan initial prévoyait que la période d’acquisition de données par les détecteurs de Ligo-Virgo dure jusqu’à la fin de ce mois, explique Raffaele le 8 avril. Mais nous avons vite déchanté au vu de la tournure des événements. La situation en Italie rendait l’activité de plus en plus risquée pour les opérateurs devant intervenir sur site, avec autorisationdérogatoire, afin d’effectuer cette prise de données ». Décision fut prise de mettre les détecteurs en « stand by » : ce qui est le cas depuis le 31 mars. Leurs lasers sont en effet éteints ; des sous-systèmes sont cependant maintenus à l’état de veille, de sorte que Ligo et Virgo puissent redémarrer dans les meilleures conditions lorsque le travail reprendra dans chacun des pays concernés.

« Bien sûr, nous envisageons déjà le déconfinement italien », confie Raffaele mi-avril, qui quotidiennement se tient au courant des nouvelles de son pays natal. « Lorsqu’il aura lieu, nous ferons des tests à distance sur Virgo ». Combler le mois de retard de données ? Il faudra attendre la reprise d’activités de Ligo. Avancer sur l’upgrade ? « Il faudra attendre la fabrication des pièces … ».

Si l’avenir est incertain quant aux opérations qui pourront réellement avoir lieu lors du retour à la normale, celui-ci est attendu avec impatience. En effet, lors des onze mois de cette dernière campagne de mesures inachevée, plus de 56 événements attribuables potentiellement à des ondes gravitationnelles ont été détectés, un record ! Et le futur upgrade de Virgo devrait lui permettre de gagner encore en sensibilité et de multiplier, par un facteur quatre, le nombre d’événements détectables. En attendant, grâce au fonctionnement des centres de calcul dispersés de par le monde, pour occuper cette période d’attente, les scientifiques continuent d’analyser leurs données.

Pour en savoir plus : « Comment la pandémie du coronavirus affecte les plus grandes expériences de physique au monde »

Vue aérienne de l’interféromètre Virgo. © EGO-Virgo