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Sur la piste d’un processus rare : l’interaction entre quatre bosons

Les chercheurs du LAPP ont joué un rôle majeur dans la découverte d’une mesure d’un des processus les plus rares identifiables avec le détecteur ATLAS au LHC : l’interaction entre quatre bosons. Cette étude a été publiée le 28 février 2020 par la collaboration Atlas dans la revue Physics Letters B.

Bien que prédit théoriquement par le Modèle Standard depuis plus d’un demi-siècle, l’énergie et la quantité de données issues de collisions de particules nécessaires pour produire cette interaction sont telles, qu’il est possible de la mesurer depuis seulement deux ans. Ce processus est particulièrement intéressant car, s’il existait une particule non encore découverte, son interaction avec les quatre bosons du Modèle Standard modifierait largement leur taux de production. Or, une mesure précise du taux de production est cruciale pour obtenir des indices de l’existence de nouvelles particules non prédites par le Modèle Standard et trop lourdes pour être produites directement au LHC. C’est ce que les physiciens d’ATLAS, et du LAPP en particulier, se sont attachés à faire dans cette publication.

L’interaction à quatre bosons qui a été étudiée est WWZγ, dans laquelle deux bosons W interagissent en produisant les bosons Z et γ détectés dans l’état final. Ce processus, en plus de sa rareté, a le désavantage d’être très contaminé par le bruit de fond, c’est-à-dire par des processus parfaitement connus qui ressemblent beaucoup au processus rare recherché et dont la probabilité d’occurrence est des centaines de fois plus grande. Pour éliminer ce bruit de fond, les physiciens ont eu recours à des sélections cinématiques et topologiques. En effet, le processus recherché a la propriété d’avoir deux jets hadroniques très énergiques produits avec une grande séparation angulaire. De simples sélections ne sont pas suffisantes pour arriver à bout de tous les bruits de fond. Des outils appartenant aux techniques d’apprentissage assisté par ordinateur (machine learning) ont donc été utilisés pour obtenir de meilleures performances. Après toutes les sélections nécessaires pour nettoyer les données du bruit de fond, il ne reste plus qu’une centaine d’évènements de signal sur deux ans de prise de données !

En utilisant les évènements sélectionnés, une mesure du taux de production a été faite, la plus précise à ce jour pour cet état final. Cependant la quantité d’évènements était insuffisante pour déclarer une observation du processus (c’est-à-dire la probabilité que le signal mesuré soit en réalité du bruit de fond soit de quelques évènements pour dix millions). Les physiciens impliqués dans cette analyse travaillent donc maintenant sur une quantité de données plus importante pour pouvoir obtenir cette observation et contraindre encore plus la recherche de nouvelle physique au LHC.

Référence : Phys. Lett. B 803 (2020) 135341

Figure 1: distribution du score de l’arbre de décision* boosté (BDT). Les données collectées par ATLAS en 2015 et 2016 sont représentées avec les points noirs et sont comparées aux prédictions du Modèle Standard (histogrammes colorés). * L’apprentissage par arbre de décision désigne une méthode basée sur l’utilisation d’un arbre de décision comme modèle prédictif. On l’utilise notamment en fouille de données et en apprentissage automatique.