Science

Des quarks surpris à jouer aux sabres lasers

Deux des plus rares processus jamais sondés au Grand Collisionneur de Hadron (le LHC) du CERN à Genève viennent d’être observés par l’expérience ATLAS. Il s’agit de la diffusion de bosons W et Z émis par des quarks lors de la collision de deux protons.

De même que les photons pour l’interaction électromagnétique, les bosons W et Z jouent le rôle de médiateurs de l’interaction nucléaire faible. Mais, alors que deux faisceaux lumineux de photons, comme des lasers, peuvent se traverser sans jamais interagir, des faisceaux de bosons W et Z rebondissent, ou diffusent, l’un sur l’autre, tels de minuscules « sabres lasers ».

Une des motivations principales pour la construction du LHC au CERN était justement l’étude de ces processus appelés « diffusion de bosons vecteurs ». Pour qu’un tel processus ait lieu, deux bosons W ou Z doivent être émis simultanément par deux quarks contenus respectivement dans chacun des deux protons d’une collision. Ces bosons, particules de temps de vie extrêmement court, peuvent « voler » sur une distance maximum de 0,1×10-15 m, soit seulement un dixième de la taille du proton. Ceci leur laisse donc très peu de temps, et de chance, de pouvoir interagir entre eux. Une aussi improbable interaction n’a lieu qu’environ une fois par jour de fonctionnement du LHC, c’est-à dire environ une fois toutes les 20 000 milliards d’interactions proton-protons.

En exploitant les données collectées en 2015 et 2016, l’expérience ATLAS a pu observer cette diffusion de deux bosons vecteurs W±Z et W±W±.
Un total de 44 événements de diffusion W±Z a pu être isolé, avec une sensibilité statistique de 5,6 écarts standards, donc au-delà du seuil de 5 écarts standards traditionnellement requis pour une découverte. Ce seuil signifie que si la diffusion W±Z n’existait en fait pas, l’expérience avait au plus environ une chance sur 3,5 millions de l’observer malgré tout par erreur. Pour la diffusion W±W±, 60 événements ont pu être identifiés, avec une sensibilité statistique de 6,9 écarts standards.

Ces confirmations de l’existence de processus de diffusion de bosons vecteurs marquent le début d’un nouveau chapitre de l’étude du Modèle Standard de la physique des particules et ouvrent la voie vers des inspections encore plus profondes des interactions fondamentales qui régissent notre univers.

Ces deux résultats ont été présentés par la collaboration ATLAS à la conférence internationale ICHEP à Séoul début juillet 2018.

Distribution des scores d’un algorithme d’apprentissage automatique (Boosted Decision Tree, BDT). Les événements de diffusion de bosons W et Z sont identifiés par la contribution blanche à haute valeur de ces scores. Image : ATLAS Collaboration/CERN

L’équipe ATLAS du LAPP a joué un rôle majeur dans ces avancées scientifiques. La première observation à ce jour de la diffusion de deux bosons vecteurs W et Z est le pur fruit du travail de l’équipe ATLAS du LAPP. Ce résultat n’a pu être obtenu que grâce à l’emploi conjoint de techniques d’apprentissage automatique* et de méthodes statistiques avancées, deux domaines d’expertise du groupe. Ce résultat résulte aussi d’un long travail de préparation et d’un engagement de plus de cinq ans de l’équipe sur ce sujet.

Un physicien de l’équipe a également coordonné la revue interne à la collaboration ATLAS pour l’observation de la diffusion de deux boson vecteurs W±W± de même charge.

L’équipe ATLAS du LAPP a bénéficié pour ce programme de recherche du soutien financier du Labex ENIGMASS.

* Également appelé machine learning

Références :

  • http://atlas.cern/updates/physics-briefing/weak-lightsabers
  • ATLAS Collaboration, Observation of electroweak W±Z boson pair production in association with two jets in pp collisions at √s = 13 TeV with the ATLAS Detector (ATLAS-CONF-2018-033)
  • ATLAS Collaboration, Observation of electroweak production of a same-sign W boson pair in association with two jets in proton-proton collisions at 13 TeV with the ATLAS detector (ATLAS-CONF-2018-030)

    Contact :
  • Emmanuel Sauvan : Responsable d’équipe ATLAS au LAPP

    Image de miniature :
  • Représentation graphique du détecteur ATLAS et d’un diagramme de diffusion de deux bosons W et Z. Image : ATLAS Collaboration/CERN