Science

Le plus grand catalogue de sources gamma de très haute énergie de la Galaxie jamais publié

La collaboration internationale H.E.S.S., à laquelle contribuent le CNRS et le CEA, publie le bilan de quinze années d’observations en rayons gamma de la Voie Lactée. Ses télescopes installés en Namibie ont permis d’étudier des populations de nébuleuses à vent de pulsar, des restes de supernovæ, mais aussi des micro-quasars, jamais détectés en rayons gamma. Ces études sont complétées par des mesures précises comme celles de l’émission diffuse au centre de notre galaxie. Cet ensemble de données servira désormais de référence pour la communauté scientifique internationale. Quatorze articles, soit le plus vaste ensemble de résultats scientifiques dans ce domaine, sont publiés le 9 avril 2018 dans un numéro spécial de la revue Astronomy & Astrophysics.

Dans l’Univers, les particules cosmiques sont accélérées par les amas de galaxies, les supernovæ, les étoiles doubles, les pulsars ou encore certains types de trous noirs supermassifs. Via un mécanisme encore mal compris, elles acquièrent alors une très grande énergie, rendue visible par l’émission de rayons gamma. Lorsque ces rayons gamma atteignent l’atmosphère terrestre, ils sont absorbés en produisant une cascade éphémère de particules secondaires qui émet de faibles flashs de lumière bleutée, la lumière Tcherenkov, en seulement quelques milliardièmes de seconde.

C’est pour parvenir à détecter ces flashs extrêmement brefs, et donc l’émission de rayons gamma, que quatorze pays ont construit en Namibie le réseau H.E.S.S., le plus grand observatoire gamma au monde. Les larges miroirs de ses cinq télescopes collectent la lumière Tcherenkov et la réfléchissent sur des caméras extrêmement sensibles. Chaque image permet d’obtenir la direction d’arrivée d’un photon gamma, tandis que la quantité de lumière collectée renseigne sur son énergie. En accumulant les images photon par photon, H.E.S.S. permet ainsi de cartographier les objets astronomiques en lumière gamma.

Montage représentant les sources de rayons gamma de très haute énergie de la Voie Lactée au dessus des télescopes H.E.S.S. en Namibie. Crédits photo : F. Acero, H. Gast, H.E.S.S. collaboration

Le centre de notre galaxie et le reste de l’explosion d’une étoile massive ont été les deux premières sources identifiées au printemps 2003 par les télescopes Tcherenkov de H.E.S.S., alors encore en phase de tests. Depuis, en 2700 heures d’observation, le réseau H.E.S.S. a très régulièrement exploré la Galaxie et découvert de nombreuses autres sources et classes de sources de rayons gamma, poussant toujours plus loin le domaine de l’astronomie gamma au sol. Ses cinq télescopes ont permis d’identifier exactement 78 sources cosmiques émettant des rayons gamma de très haute énergie (VHE)… soit davantage que tous les autres observatoires du monde réunis !

Le catalogue H.E.S.S. Galactic Plane Survey (HGPS) publié aujourd’hui, quatre fois plus conséquent que le précédent établi en 2006, sera précieux pour la communauté astrophysique toute entière : c’est la première fois qu’un tel ensemble de données en rayons gamma de très haute énergie est mis à sa disposition. Il dresse le bilan de quinze années d’étude qui ont permis de caractériser les types de sources gamma les plus abondants, telles que les nébuleuses à vent de pulsar et les restes de supernovæ, et d’effectuer des mesures de précision sur des sources individuelles comme sur des régions entières de la Voie Lactée. H.E.S.S. a également révélé en détail les accélérateurs de particules sous-jacents à ces sources et la façon dont les rayons cosmiques se déplacent dans le milieu interstellaire et façonnent leur environnement. Enfin, il a permis de détecter l’émission de nouvelles classes d’objets émettant des rayons gamma de très haute énergie, tels que des trous noirs de masse stellaire orbitant autour d’étoiles massives, et de caractériser l’absence d’émission d’autres classes d’objets, tels que des étoiles en déplacement rapide. Le bilan de H.E.S.S. est si conséquent qu’il démontre que l’astronomie gamma aux très hautes énergies est arrivée à maturité.

La collaboration H.E.S.S. a déjà été récompensée par le prix Descartes de la Commission européenne en 2006, et par le prix Rossi de la Société américaine d’astronomie (AAS) en 2010. Une étude publiée en 2009 a inclus H.E.S.S. parmi les 10 observatoires astronomiques les plus influents dans le monde. L’ensemble de la communauté d’astronomie gamma prépare maintenant la succession de H.E.S.S. avec le Cherenkov Telescope Array (CTA), un projet d’observatoire encore plus sensible et basé sur deux sites, l’un dans l’hémisphère nord et l’autre dans l’hémisphère sud. Mais d’ici sa mise en service durant la décennie 2020, les résultats de H.E.S.S. publiés aujourd’hui serviront la stratégie d’observation de CTA et resteront la référence en astronomie gamma.

H.E.S.S. et le LAPP

Le groupe d’astronomie gamma du LAPP est membre de la collaboration H.E.S.S. depuis 2007. Il a conçu et construit le système de focalisation et le système de déchargement de la caméra du grand télescope HESS-II. Il est responsable de la sécurité de la caméra. Le groupe est également fortement impliqué dans la calibration de l’instrument, le développement de méthodes de traitement et d’analyse des données. Coté scientifique, les chercheurs du LAPP travaillent sur des thématiques aussi diverses que la matière noire, les vestiges de supernova, les régions de formation d’étoiles ou encore les noyaux actifs de galaxie. Associés aux chercheurs d’autres laboratoires français (LAPTh, LUPM, LLR, etc ..) mais aussi internationaux (MPIK, etc…), le groupe est à la pointe scientifique de son domaine. Depuis quelques années, le groupe d’astronomie gamma s’implique également dans le projet CTA, futur réseau de télescopes d’astronomie gamma. Il travaille entre autre sur la mécanique des grands télescopes, le data-management et développe des techniques de calcul haute performance pour le traitement des données.

Références

Contact chercheurs

Contact presse

Image de miniature

  • Un télescope de H.E.S.S., crédit photo : LAPP