Histoire de la fusion de deux étoiles à neutrons racontée par plusieurs messagers cosmiques
Lors d’une conférence de presse au siège du CNRS les scientifiques de la collaboration LIGO-Virgo ont annoncé la première observation d’ondes gravitationnelles émises lors de la fusion de deux étoiles à neutrons. Contrairement à la fusion de deux trous noirs observée précédemment, cette source d’ondes gravitationnelles émet de la lumière, observée dans les heures, jours et semaines qui suivirent grâce à la contribution de 70 autres observatoires sur Terre et dans l’espace. Cet ensemble d’observations marque l’avènement d’une astronomie dite « multi-messagers ».
Le 17 août 2017 à 14 heures 41 minutes (heure de Paris), un signal d’ondes gravitationnelles d’un type nouveau est observé par la collaboration LIGO-Virgo (à laquelle le LAPP participe). L’analyse détaillée des données indiquera que les masses des deux objets sont comprises entre 1,1 et 1,6 fois la masse du Soleil, ce qui correspond à celles des étoiles à neutrons. Les étoiles à neutrons sont des vestiges d’étoiles massives. Une étoile géante meurt en explosant, donnant ainsi naissance à une supernova. Une fois l’explosion terminée, il ne reste plus qu’un cœur très dense composé presque uniquement de neutrons – une étoile à neutrons. Celle-ci a la taille d’une ville comme Londres, mais une petite cuillère de sa matière pèse environ un milliard de tonnes. Tout comme les étoiles ordinaires dont elles sont issues, certaines évoluent en couple. Elles orbitent alors l’une autour de l’autre et se rapprochent lentement en perdant de l’énergie sous forme d’ondes gravitationnelles – un phénomène qui finit par s’accélérer jusqu’à la fusion. Ce scénario prédit par les modèles, est observé pour la première fois !

Presque au même moment et de manière indépendante, le satellite Fermi de la Nasa enregistre un sursaut gamma – un flash de rayonnement très énergétique – et lance immédiatement une alerte automatique. En parallèle, cette source est localisée dans le ciel en exploitant les temps d’arrivée et l’amplitude des signaux mesurés dans les trois détecteurs d’ondes gravitationnelles (les deux détecteurs de LIGO aux États-Unis et celui de Virgo en Europe). La zone ainsi déterminée, qui couvre environ 30 degrés carrés1 dans la constellation de l’Hydre de l’hémisphère austral, est des dizaines de fois plus restreinte que celle établie par Fermi. Elle est communiquée à près de 90 groupes d’astronomes partenaires pour qu’ils pointent leurs instruments dans cette direction. Grâce au télescope américain Swope au Chili un nouveau point lumineux est découvert dans la galaxie NGC 4993, située à 130 millions d’années-lumière de la Terre. Très rapidement, ce résultat est confirmé par d’autres télescopes de manière indépendante. Il s’agit d’un type d’objet encore jamais observé, constitué de matière très chaude qui refroidit et dont la luminosité décroît rapidement.
Selon les modèles, la matière éjectée par la fusion de deux étoiles à neutrons est le siège de réactions nucléaires aboutissant à la formation de noyaux atomiques plus lourds que le fer (comme l’or, le plomb, etc.), grâce à l’abondance de neutrons. Cette matière émet de la lumière initialement très bleue puis rougissant au fur et à mesure que la matière refroidit en se dispersant. Appelé kilonova ce phénomène est sans doute le principal processus de formation des éléments chimiques les plus lourds de l’Univers ! L’observation des kilonovae permettra de mesurer d’une nouvelle manière la vitesse d’expansion de l’Univers.
L’équipe du LAPP est très fortement impliquée dans tous les aspects scientifiques du projet Virgo, avec des responsabilités importantes dans la conception, la réalisation et l’installation du détecteur. Elle est aussi en première ligne pour l’analyse des données des diverses sources et a bien sûr participé à la prise de données en assurant le bon fonctionnement du détecteur.

Benoît Mours, chercheur CNRS au LAPP et responsable scientifique français de Virgo a tenu un rôle privilégié lors de la conférence de presse donnée au siège du CNRS aujourd’hui. La retransmission de la conférence de presse, en direct au LAPP, a attiré environ 60 personnes et a suscité un grand intérêt.
Les chercheurs du LAPP des groupes Virgo et HESS sont parmi les auteurs de la publication résumant l’ensemble des observations. Une cinquantaine de publications scientifiques sont en préparation à ce sujet.
1 Soit 120 fois la taille de la pleine Lune dans le ciel.
Contact : Frédérique Marion
En savoir plus :