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Observation ttH, quand le Higgs s’accompagne de deux quarks top

Après la découverte du boson de Higgs en 2012, une nouvelle étape majeure vient d’être franchie dans la compréhension du mécanisme qui confère une masse aux particules élémentaires constituant la matière. La collaboration ATLAS, qui exploite l’un des détecteurs géants scrutant les collisions de protons produites par le Grand Collisionneur de Hadrons (LHC) du CERN à Genève, a annoncé ce matin à la conférence LHCP à Bologne avoir observé la production simultanée du boson de Higgs et de deux quarks top, appelée familièrement “production ttH” par les experts.

“Il s’agit d’une mesure fondamentale dans l’exploration du mécanisme de Higgs”, commente Karl Jakobs, le porte-parole des quelque 3 000 physiciens du monde entier formant la collaboration ATLAS. Ce résultat établit fermement que le boson de Higgs interagit directement avec les quarks, qui composent les protons et neutrons de la matière. De plus, le quark top étant la particule élémentaire la plus massive, cette mesure est une sonde précise de la nature de cette interaction.

“Cette recherche est l’une des plus difficiles jamais conduites dans l’expérience” explique Fabio Cerutti, qui coordonne l’ensemble des études sur le boson de Higgs dans ATLAS. De fait, ce résultat, corroboré par CMS, l’autre grande expérience du LHC, constitue une prouesse à plus d’un titre.

Spectre de masse invariant diphoton observée dans 79.8 fb-1 de 13 TeV pondéré dans les régions BDT ttH sensibles. La courbe rouge continue montre le modèle signal-plus-fond ajusté avec la masse de boson de Higgs contrainte à 125,09 ± 0,24 GeV. Les composantes d’arrière-plan non résonnantes et totales de l’ajustement sont représentées par la courbe bleue pointillée et la courbe verte en pointillés.

Le résultat annoncé aujourd’hui est en effet le fruit d’une stratégie d’analyse par étape menée par de nombreuses équipes de la collaboration, exploitant les données collectées entre 2015 et 2017 à une énergie de 13 TeV. Dans un premier temps, c’est la désintégration du boson de Higgs en deux quarks bottom qui a été recherchée. Il s’agit en effet de la désintégration la plus probable, mais elle est très difficile à observer dans le détecteur. Avec l’accumulation de plus de données, il est devenu possible de chercher les désintégrations du boson de Higgs en notamment une paire de bosons W, mode plus rare mais produisant des leptons, moins ambigus à identifier dans le détecteur. Enfin, plus récemment, des modes de désintégrations encore plus rares, mais très clairs expérimentalement, ont également été combinés. C’est ainsi notamment le cas de la désintégration du boson de Higgs en deux photons qui se produit une fois pour 500 désintégrations. La combinaison de l’ensemble de ces mesures a conduit à l’observation de la production ttH avec une sensibilité statistique de 6,3 écarts standards, donc au-delà du seuil de 5 écarts standards traditionnellement requis pour une découverte. Ce seuil signifie que si la production ttH n’existait en fait pas, l’expérience avait au plus environ une chance sur 3,5 millions de l’observer malgré tout par erreur.

L’équipe ATLAS du LAPP a joué un rôle majeur dans cette étude, en exploitant son expertise de longue date dans le canal de désintégration en deux photons, qui avait d’ailleurs permis la découverte du boson de Higgs en 2012 lorsqu’il était produit tout seul. Depuis 2012, la mesure des couplages du boson de Higgs se désintégrant en deux photons, comprenant la recherche du mode ttH, est l’une des activités principales de l’équipe. Deux physiciens de l’équipe ont coordonné cette activité dans ATLAS pendant quatre ans. Le groupe du LAPP a participé à la mise en œuvre des méthodes d’identification du signal Higgs basée sur des techniques d’apprentissage automatique, et a eu un rôle primordial dans l’ajustement statistique final des données diphoton, qui a mis en évidence la production ttH. En s’appuyant sur l’expertise locale pour l’identification des photons, liée à la conception et construction d’une partie du calorimètre électromagnétique par le laboratoire, l’équipe a joué aussi un rôle de premier plan dans l’amélioration des techniques d’identification des photons, et dans la mesure de son efficacité avec les données. Dans le seul canal diphoton, une sensibilité statistique de 4.1 écarts standards a été obtenue. Un membre du groupe a eu la responsabilité éditoriale pour la collaboration ATLAS de la publication combinée qui vient de sortir, soumise ce matin pour être publiée dans Physics Letters B.

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  • Visualisation d’un événement de données dans la region du BDT ttH(γγ) hadronique avec le plus grand rapport signal sur fond. Les photons correspondent aux tours vertes du calorimètre électromagnétique, tandis que les jets et b-jets sont représentés respectivement par des cônes jaunes et bleus.